…toutefois on est si naïvement crédule dans le Caucase que je ne m`en suis pas trop étonné:
on m`a raconté, pendant mon voyage, tant d`histoires plus merveilleuses et plus absurdes encore!
Avant même de le connaître, nous aimions ce pays et ses vieilles légendes, ces montagnes où nos pères plaçaient le berceau de l`humanité…
…cette grande ville n`était encore qu`un village de pécheurs et un nid de pirates redoutés au loin sur la mer Noire;
c`est au pétrole qu`elle doit sa prospérité d`aujourd`hui.
…le Géorgien se distingue par deux yeux farouches que Dieu semble avoir créés spécialement pour lui.
En Orient, tous est lent, tout va doucement, conformément à la tradition séculaire: Yavach, yavach (piano! piano!).
Jamais on n`est pressé; que resterait-il pour demain, si l`on faisait tout aujourd`hui?
…l`Arménien a presque toujours le nez proéminent, le cou ramassé et court,
la physionomie intelligente, la peau blanche ou brune suivant les régions…
C`est que le soleil est vraiment l`âme et la vie des cités de l`Orient; c`est lui qui nuance de reflets bronzés la nudité des collines, fait miroiter les places et les maisons: plus de brouillard, plus de tristesse, plus de souvenirs funèbres; tout cela passe, fuit, disparaît en un clin d`oeil sous la chaude lumière du soleil.
…les Géorgiens se consolent par les souvenirs de leur ancienne grandeur;
les Arméniens se glorifient de leur prospérité actuelle, et supportent sans peine les dédains des “princes sans le sou”.
…dans le Caucase, tout est majestueux et commande le respect. Plusieurs des montagnes de la chaîne sont d`anciens volcans et dans certaines régions les courants de lave semblent bouillonner encore…
Il est dans le royaume du pétrole; le précieux produit de l`Apchéron absorbe tous les soins;
on marche entre les nuages de fumée qui obscurcissent l`atmosphère et les flaques de boue huilleuse qui détrempent le sol…
Et pourtant je ne saurais le regretter: j`ai beaucoup vu et beaucoup appris durant ces quelques semaines j`ai surtout beaucoup senti et beaucoup pensémes émotions, tristes ou gaies, m`ont laissé le plus doux souvenirmes réflexions favorisées par la découverte de ce beau pays, par le spectacle de sa renaissance au progrès, à la prospérité, à la civilisation, n`auront pas été vaines et infructueuses pour moi.
CALOUSTE S. GULBENKIAN
IN LA TRANSCAUCASIE
ET LA PÉNINSULE D`APCHÉRON
SOUVENIRS DE VOYAGE
HACHETTE – 1891
In 1891, Calouste Sarkis Gulbenkian was 22 years old when he set off for Transcaucasia – the region beyond the Caucasus Mountains that encompassed Armenia, Georgia and Azerbaijan, including the Nakhchivan exclave. From this epic journey came his first written work, «La Transcaucasie et la Péninsule d’Apchéron – Souvenirs de Voyage», in which the young Gulbenkian describes his impressions of each stage of the journey. The importance of the trip can be clearly seen in the book’s extensive introduction. Year after year, Gulbenkian had dreamt of crossing the mountains, valleys and fields that his father had spoken of. For Caulouste Gulbenkian, it was important to see the region’s latest generations at close quarters and contemplate the industrial rebirth that had recently transformed the Acheron Peninsula. In his words, the time was right to discover this “little known piece of land” that he a priori loved so much.
It was on this journey through Transcaucasia that the young Gulbenkian saw the Baku oil fields for the first time, before becoming a pioneer in oil development in the Middle East.
The book «La Transcaucasie et la Péninsule d’Apchéron – Souvenirs de Voyage» was the starting point for this project: undertaking the same trip as Calouste Gulbenkian, as well as publishing a book in order to construct a visual memoir which is a tribute to Calouste Gulbenkian, in which day-to-day situations are recorded and where errantry is the result of the eclectic mix of individuals, landscapes and interiors. For the photographers, the true perception and the emotiveness they may have felt while visiting Caucasus does not derive from the recognition of the place’s physical characteristics but rather the perception of its underlying history and, in this case, the story of Calouste Sarkis Gulbenkian in particular.